Pièces d'or : 0       Jetons : 0       Gemmes : 0
Connexion        Devenir Membre        Visite Guidée
0
Bon jeu sur le site !

[Rôle Play] Le fugitif
   Accueil -> Forums -> Mythes et Légendes  
Magasin : La bâtisse du pacha ( Visiter l'échoppe tenue par Katzumoto )
Pub : Toi aussi accorde toi la vie de seigneur ...
Estek

Messages: 1571
Niveau : 2
  

314636
11700
245
Jamais
Aucun

Date du Message : Mar 30 Avr 2013 18:03
Une légère brise faisait naître une délicate danse dans le feuillage des arbres et ne troublait qu'à peine la surface paisible du point d'eau. Il s'agissait là d'un recoin isolé, tranquille. Quasiment un secret jalousement gardé et transmis entre pêcheurs chevronnés.

En somme, le coin parfait pour oublier les tracas du monde et que ledit monde vous oublie le temps d'une journée.



Installé à l'ombre d'un saule, les yeux clos, un Sybian savourait la quiétude ambiante. Sa canne à pêche gisait non loin mais elle tenait plus de la décoration que de la preuve d'une activité réelle. Si l'envie l'en prenait, il taquinerait un peu les poissons mais, pour l'heure, il était désireux de se vider l'esprit.

De récents événements l'avaient accablés et il craignait que de gros soucis ne lui retombent à nouveau dessus dans un trop proche avenir. Il poussa un profond soupir et se remit à mâchonner distraitement une herbe. Son esprit glissa doucement, non vers le sommeil mais vers des souvenirs encore frais.



La Citadelle de Krohz. Haut-lieu du peuple Gobelin. Un bon coin pour dénicher d'intéressantes affaires, pour entendre de croustillantes rumeurs ou pour croiser des individus de tous horizons avec qui tailler le bout de gras.

Estek appréciait les lieux mais conservait une certaine méfiance envers la faune locale. Les Gobelins n'avaient-ils pas semés encore la zizanie il y a peu ? Ils avaient de la chance que la Gardienne soit une personne clémente et n'autorise que l'élimination des fauteurs de troubles. Si cette politique changeait, ils pourraient alors subir ce que l'Histoire retiendrait comme étant la première Invasion Ilbanienne.

Avec une certaine philosophie, le guerrier songea que cela stimulait l'économie et que cela poussait ensuite à renouer d'intenses relations commerciales entre les peuples. Si seulement tous les peuples agressifs de ce monde pouvaient faire de même. Il se demanda alors ce que les envahisseurs Tribaux pourraient apporter, eux. Probablement des articles exotiques mais il n'en était pas sûr.

Contrairement aux Gobelins, les Tribaux manifestaient une hostilité palpable et s'adonnaient à beaucoup de pillage. D'où pouvaient-ils venir et, surtout, de quoi vivaient-ils ? Un jour, peut-être, ce mystère finirait-il par être levé et l'Académie ilbanienne s'enrichirait de nouveaux documents et ouvrages.




- "Que dirais-tu de goûter à ce bruzbuzz tout frais, noble guerrier ?" L'interpella soudain une jeune Gobeline, tirant Estek de ses réflexions.

- "Du bruzbuzz ? Répéta le Voëlyte, tentant de deviner de quoi son interlocutrice pouvait bien parler tout en notant un physique relativement agréable... pour une Gobeline.



Elle ne risquait pas de gagner un concours de beauté mais elle était moins marquée que la majorité de ses congénères. Elle se fendit d'un sourire qu'elle voulait engageant et le Sybian le lui rendit. S'il y avait plus d'individus comme elle, cela freinerait peut-être les invasions. Malheureusement, il y avait toujours une bande de crétins excités à même de réunir leurs petits copains pour semer le chaos sur leur passage. Tradition culturelle gobeline, diraient de nombreux érudits.

Estek nota alors, discrètement, le regard pénétrant d'un imposant Gobelin. Inutile de croire que le charme du guerrier avait agit sur celui-là, le message qu'il cherchait à transmettre était simple et se résumait à ceci :
"Fais-la pleurer et tu vas dérouiller". Charmant. Le Voëlyte sentit son sourire s'étirer et accepta une portion de l'énigmatique bruzbuzz. Ravie, la Gobeline le dévora des yeux jusqu'à ce qu'il morde dans la boule de pâte.

Que Voë lui vienne en aide, il manqua de s'étouffer avec sa bouchée. Au premier abord, la saveur était surprenante. Un pur délice. Durant trois secondes. Car après, ce fut le coup de massue dans l'estomac tandis qu'un incendie impitoyable se déclenchait dans sa bouche. Il n'avait jamais rien mangé d'aussi épicé !

Rassemblant son courage, il avala et complimenta la Gobeline, les larmes aux yeux. Elle comprit sûrement de travers car elle sembla aussi heureuse que si l'un de ses congénères venait de lui déverser l'ensemble de son trésor aux pieds - une soit-disant coutume visant à éblouir l'élue de son cœur, l'équivalent d'une demande en mariage en somme - et elle fila joyeusement.

Enfin seul, le guerrier remisa le dangereux bruzbuzz afin de l'affronter plus tard, dans l'intimité d'un recoin sombre et armé d'un tonneau de bière et continua de flâner.



Après quelques emplettes, Estek s'installa sur les remparts pour profiter un moment de la vue. Une vue imprenable sur les contrées alentours. Il n'était d'ailleurs pas le seul à profiter de ce coin sympathique : un Demi-Orque s'escrimait à peindre la vue sur une toile mais semblait à deux doigts de balancer son matériel, sous le regard amusé d'une paire de Nains et d'un Orphan. Un peu plus loin, une Elfe minaudait auprès d'un Trynien se pavanant tel un aristocrate en pays conquis. Et là-bas, n'était-ce pas ce bon vieux Korlihn en compagnie d'une... amie ?

De loin, le Sybian n'en était pas bien sûr. Etait-ce une Gobeline qu'il voyait près du plus illustre bavard de ces contrées ?

Par Voë, qu'elle était laide ! Une description était quasiment impossible tant le langage était limité pour décrire un tel spécimen. Mieux valait ne pas se risquer dans un tel exercice sous peine de voir sa santé mentale fondre comme neige dans un volcan en éruption.




- "Oh, zut..." Lâcha le Sybian quand Korlihn le repéra et que sa... compagne... suivit son regard et se fendit d'une expression qui n'augurait rien de bien bon. Si seulement le Gobelin ne s'était pas mis en tête, par dessus le marché, de le rejoindre !



Avec horreur, il suivit la progression du singulier couple. Le pauvre Gobelin semblait à deux doigts de perdre complètement l'esprit et voir en Estek une miraculeuse bouée de sauvetage. Il déglutit avec peine et réussit, par un effort colossal de volonté, à adresser un sourire à Korlihn et au truc tout vert grimaçant aussi charmant qu'un vieux tas de compost ravagé par un taureau fou et remis en état par un troll ayant fumé beaucoup trop de moquette.




- "Bonjour, Estek !" Lança Korlihn "On se promène ?"

- "Salut Korlihn, je suis venu profiter de la vue... et du marchand de cannes à pêche." Il cligna de l'œil "Tu me présentes ?"

Un effort diplomatique qui sembla ravir l'inconnue. Un spectacle dont Estek se serait bien passé. L'art abstrait n'était déjà pas son fort alors se retrouver à parler avec un spécimen issu de cette branche artistique, c'était dur. Très dur.

- "Ah, oui... Voici Korlihna."

- "Enchanté, Korlihna ! Je m'appelle Estek." Enchaîna le Sybian, dans un élan diplomate. Il sentait, confusément, que le pauvre Korlihn craignait que sa congénère n'ouvre la bouche. Ce qu'elle ne manqua pas de faire.

- "Enchantwé Echtek. T'es un Chybian, non ? Tu aimes te battre ? Tu as l'air cochtaud !"

- "Effectivement, je suis un Sybian mais je n'ai pas forcément un caractère guerrier. Je pratique d'autres activités comme la pêche ou l'écriture, par exemple."



La réponse chagrina la Gobeline qui fronça les sourcils. Elle se fourra une main noueuse dans sa tignasse en piteux état et toisa Estek. Elle inspira profondément.



- "Allo ? T'es un Sybian et tu te bats pas ? Nan mais allo quoi ! C'est comme si t'es un Gobelin, t'as pas la peau verte !" S'indigna Korlihna, sous les regards médusés de Korlihn et d'Estek.

- "Oh mais, je me bats. Simplement, je ne passe pas mes journées à le faire." Fit le Sybian. "J'aime également contempler les beautés de ce monde, c'est pourquoi je ne passe pas tout mon temps sur les champs de bataille."



Un hoquet de surprise surgit de la gorge de l'hideuse Gobeline tandis que la mine de Korlihn prenait la consistance de papier mâché. Clouer le bec à Korlihna était un exploit mais, à sa réaction, Estek commença à se poser de sérieuses questions. Après tout, la Gobeline ne brillait pas par son intelligence. Son regard exprimait, non un vide intersidéral mais le trop-plein de qui se sent supérieur -à tort, naturellement- et l'exprime à chaque occasion.



Misère. Que Voë le protège.



Profitant de l'occasion inespérée de filer, Korlihn et Estek abandonnèrent Korlinha sur les remparts. Elle voguait sûrement sur le fil maigrichon de ses pensées tordues et il était plus prudent de ne pas rester dans son champ de vision quand elle reprendrait pied dans la réalité. Rien ni personne ne pouvait prédire de quelle nouvelle énormité elle allait se rendre coupable.

Arrivés aux portes de la Citadelle, le Gobelin, une fois n'est pas coutume, serra la main du Sybian. Malgré un caractère ouvert, il ne s'épandait pas en marques de sympathie. La situation était plus grave que le guerrier ne l'avait estimé.




- "Je suis content de t'avoir croisé aujourd'hui, Estek. A quand une chronique de ton cru, dans la digne lignée de ce bon vieux Hald ?"

- "Hum, je ne saurais dire. J'ai encore bien des choses à explorer et expérimenter avant de reprendre le flambeau de mon vieil ami." Il scruta une caravane, au loin, se rendant vers le Domaine d'Ilbana "Tu seras le premier à la lire, promis !"



La réponse plut au Gobelin qui se contenta de hocher la tête, le regard pétillant. Le Sybian se détourna et entreprit alors de mettre de la distance entre Krohz et lui. Ou, disons plutôt, entre Korlihna et sa personne. Au réveil, il était à craindre que cette crétine irait pourrir l'existence de quiconque serait à son goût. Pauvre de lui...



Et soudain, ce fut le drame.




- "YOUHOU ! Echtek, mon chéwi ! Ta beauté du monde préférée te fait un gwos bichou baveux !"



Le guerrier se figea et son sang ne fit qu'un tour. Impossible de se méprendre sur la propriétaire de cette voix qui ferait faire dans son pantalon le plus féroce des Tribaux. Un subtil mélange grinçant vous transperçant les oreilles pour venir directement tabasser votre cerveau et le laisser sous le choc. Même le puissant Malikarne, du haut de sa grande et belle tour, aurait bien du mal à résister à la torture de ce son horripilant.

Comme hypnotisé, le Sybian releva la tête et vit l'auto-proclamée beauté du monde lui faire de grands gestes du bras, penchée par dessus bord. Il se surprit à espérer que l'antique roche cède mais ce ne fut pas le cas. Il toussa dans son poing et opta pour une tactique ingénieuse dans ce genre de situations : feindre l'ignorance et filer le plus vite possible !



Cela faisait maintenant plusieurs jours, depuis cet incident. Chaque matin, il recevait un petit mot doux, écrit avec une dizaine de fautes par mots. Son courrier l'attendait au Temple d'Ilbana, où il résidait depuis un bon moment maintenant. A n'en point douter, Korlihn avait sûrement subi une atroce torture qu'Estek n'osa pas imaginer de peur de voir ses nuits assaillies de cauchemars pour le restant de son existence.

Allongé sous son saule, il sortit la dernière missive. Vraiment, cette Korlihna n'avait absolument rien compris mais, en plus, elle était tenace. Dans son dernier mot, elle avait la bonté de le prévenir qu'elle viendrait, sous peu, lui rendre une petite visite en Ilbana. Il réprima un frisson.



Que Voë le prenne donc en pitié, il craignait de ne pas avoir les nerfs assez solides pour supporter une telle épreuve...






[La suite au prochain épisode]
Répondre en citant Envoyer une missive
Estek

Messages: 1571
Niveau : 2
  

314636
11700
245
Jamais
Aucun

Date du Message : Mer 02 Oct 2013 01:06
Le crépuscule baignait le point d'eau de sa clarté diffuse, offrant un spectacle charmant et romantique qui échappait totalement à son unique spectateur. Ce dernier, allongé sous un saule, avait fini par succomber à la quiétude des lieux et glisser dans un sommeil tranquille. Une biche l'avait frôlé en allant s'abreuver mais cela ne l'avait pas réveillé, l'animal n'étant pas une menace.



- "zut, me suis endormi..." Marmonna le Sybian en se frottant les yeux, émergeant enfin.



Il scruta les environs tout en s'étirant, intrigué. Ce n'était pas la fraîcheur de l'air qui l'avait tiré de son sommeil et il ne sentait aucune présence hostile dans les parages. Son instinct ne commençait tout de même pas à dérailler ? A moins qu'un songe bizarre dont il ne gardait nul souvenir ne l'ait dérangé mais c'était peu probable.

Il soupira et entreprit de se lever. Son genou gauche craqua et il se mit en devoir de faire passer l'engourdissement de sa main droite. A l'évidence, il avait dormi dessus, ce qui n'arrangeait rien. Ah, qu'il était beau, le guerrier Voëlyte ! Complètement relâché, occupé à bailler et à se masser les doigts. Il offrait un tableau risible qu'il se fit un devoir de compléter en récupérant sa canne à pêche.



Ce fut à ce moment qu'il sentit sa présence. La pesanteur de son regard. L'imperceptible halètement de son souffle. Sans parler de son odeur à vous mettre les narines à l'agonie. Un arôme fruité particulièrement exotique, comme si l'on s'était enduit avec un soin hystérique du jus de tous les fruits puants de l'univers.

Le sang d'Estek ne fit qu'un tour, sa gorge s'assécha. Il avait l'impression d'avoir un vieux morceau de cuir à la place de la langue et que son souffle charriait du verre pilé. Quel genre d'ennemi était-ce donc là ? Il craignait de tomber nez à nez avec l'une de ces singulières monstruosités végétales qui rôdaient dernièrement dans les forêts du secteur. Les rumeurs laissaient entendre qu'ils vous enlaçaient mortellement pour ne laisser qu'une coquille desséchée derrière eux.

Charmant.



Et là, il le vit. Ce regard enflammé, brillant d'une fièvre inquiétante. Un pur prédateur se terrait dans un buisson, inondant l'humus de sa bave, attendant le bon moment pour bondir sur sa proie.

Par Voë, ce n'était pas le moment ! Se battre avec une canne à pêche, vraiment ? A croire que le dieu avait affûté son sens de l'humour et ressorti son vieil album de jeunesse des pires blagues de l'univers.



Serrant son poing sur le bois de la gaule, le Sybian prit une profonde inspiration et prit une posture martiale que tous les guerriers finissent par apprendre et maîtriser : celle du départ pour une fuite effrénée, sans un regard en arrière, dans l'espoir de semer son assaillant avant que celui-ci n'ait compris ce qui venait de se passer.

Adressant une pensée à Voë, Estek s'élança soudain, sans prévenir, sans crier gare. Ses jambes étaient telles des pistons, le propulsant de toutes ses forces comme s'il était pourchassé par une armée de Tribaux enragés.




- "Mais Echtek, reviens ! Mon chéwi d'amûr !"



Par la barbe illustre de Voë, cette voix... Il ne pouvait se tromper et sentit ses jambes accélérer le mouvement. Son instinct de survie prenait le dessus sans crier gare. C'était une catastrophe, un cauchemar, un cataclysme...

Comment cette abomination avait-elle fait pour le trouver ici ?!

Nul n'aurait accepté de la renseigner, même sous la torture. La réputation de son peuple n'était pas des meilleures, cela ne facilitait guère les relations. Même si la Citadelle recevait son lot de visiteurs, frayer avec un Gobelin restait souvent difficile, voire tabou. Dommage car il était enrichissant de s'intéresser à leur culture si singulière.

Cependant, avec un tel spécimen, il valait mieux garder ses distances. Pour une question de sécurité sanitaire, en premier lieu. Elle n'était probablement pas bien méchante mais elle avait l'intelligence d'une huître échouée sur une plage et un physique à faire vomir d'horreur le plus affreux des monstres. Même un aveugle s'en serait caché les yeux.



Korlihna. La "beauté du monde".



Soudain, alors qu'il esquivait à pleine vitesse un tronc couché par une tempête, les pièces s'assemblèrent et un terrible soupçon germa dans son esprit.

Korlihn.

Malgré son caractère ouvert et une tendance à la sympathie, ce dernier était un lâche. Une légende vivante en terme de lâcheté. Ce qui n'était pas un critère de dénigrement pour Estek vu que le Gobelin avait la carrure d'une crevette. En combat singulier, une pichenette l'aurait mis KO. Alors il n'était pas bien compliqué d'imaginer ce qui avait pu se passer.

Le Gobelin connaissant le coin et sachant qu'il s'y rendait parfois avec le Sybian, la donzelle à la peau verte lui avait sûrement tiré les vers du nez de la plus abominable des façons.




- "Oh Voë..." Grinça Estek. "Si je m'en tire sans être recouvert de sa bave ou pire, j'entreprendrais un pèlerinage en ton nom !"



Dans la bouche du Voëlyte, ce n'était pas une promesse en l'air. Il tenait à sa peau et à sa santé mentale. Il n'osait pas imaginer ce que la Gobeline pourrait oser lui faire subir si elle le coinçait dans un coin. D'autant qu'il n'aurait pas le cœur à faire usage de violence contre elle, ce n'était franchement pas dans sa nature. Et, au vu de la fulgurante intelligence de Korlihna, elle risquait de confondre la diplomatie avec une pâtisserie.

Misère de sort !



Encore heureux, ce matin-là, il avait enfilé ses meilleures bottes. De quoi courir sans réduire ses pieds à l'état de gelée.

Mais il n'était pas encore tiré d'affaire : la voix de sa prédatrice tonnait encore dans son dos, au loin. Avec une note joyeuse et affamée.



Oh Voë, quelle journée !




[La suite au prochain épisode !]
Répondre en citant Envoyer une missive
Estek

Messages: 1571
Niveau : 2
  

314636
11700
245
Jamais
Aucun

Date du Message : Mer 30 Oct 2013 20:30
Cela faisait plusieurs jours maintenant que la chasse était ouverte. Estek ne goûtait guère la sensation induite par sa condition de proie mais il ne voyait pas d'issue pacifique à cette situation épineuse. Devait-il finalement céder aux avances de la peau-verte ?

Non.

Quelle horreur...

Rien qu'imaginer la scène et les éventuelles conséquences était insupportable.



L'espace d'une minute, le Sybian avait songé à plier carrément bagage pour voguer au loin, dans une autre contrée où les Gobelins seraient absents. Un océan entre eux aurait pu couper court aux ardeurs de Korlihna. Quoi que...

Malgré de longues heures d'une traque intense, la furie amoureuse n'avait pas lâché le morceau. Alors un océan ? Une broutille comme obstacle ! Il pourrait chevaucher un dragon pour aller se planquer à l'autre bout de l'univers qu'elle trouverait bien un moyen de lui mettre le grappin dessus.



Il n'avait plus le choix. Il allait devoir l'affronter et trouver un argument imparable pour la convaincre qu'il était vain de le pourchasser ainsi. Mais que lui dire ? Qu'il était marié ? Non. Elle ne le croirait jamais. Qu'il préférait les Tribales ? Elle lui rirait au nez, à l'évidence. Qu'il était plus porté sur les hommes ? Elle chercherait alors à le caser avec Korlihn -pauvre de lui- juste pour le plaisir d'avoir Estek sous le coude.

Non.

La vérité était son arme la plus adaptée et la plus puissance. Il ne l'aimait pas et n'avait aucune envie d'entamer une quelconque relation avec elle. Simple mais efficace. Blessant aussi mais elle finirait par s'y faire et se trouverait un compagnon parmi son propre peuple. Enfin, peut-être.




- "Hé, toi, le Sybian !" Lança une voix peu amène, en provenance d'un fourré. "Tu devrais pas rester là, à gober les mouches..."



- "Pardon ?" Répliqua l'intéressé, fronçant les sourcils en scrutant la pénombre tandis qu'un homme en armure en sortait, arborant les couleurs ilbaniennes.



- "Je dis ça pour ta sécurité, Sybian. Tu n'as visiblement pas d'armes et un couple de lynx des profondeurs rôde. La femelle a eu des petits..."



Inutile de terminer la phrase, Estek avait saisi le sous-entendu. Le lynx des profondeurs étant déjà un animal agressif en temps normal, il devenait un cataclysme sur pattes lorsqu'il se reproduisait. Mâle et femelle se relayaient pour veiller sur les petits et chasser. De gros mangeurs ayant besoin de beaucoup de viande pour grandir comme il faut. Un Sybian suffirait à assurer la portion du jour à une portée.



- "zut !"



Korlihna. Malgré la répugnance qu'elle lui inspirait, il sentait un poids peser sur son estomac à l'idée de la laisser à la merci de ces créatures. Elle était inconsciente du danger et, pire encore, nul n'irait se donner la peine de sauver la peau d'une Gobeline perdue dans une forêt, loin de chez elle.

La peste soit donc de cette idiote !

La peste soit donc du bon cœur du Voëlyte.



L'homme en armure recula d'un pas, ne sachant pas trop à quoi s'en tenir. Le Sybian l'épingla du regard et poussa un profond soupir. Il posa sa canne à pêche contre un arbre et se planta devant le soldat. Le regard de ce dernier évoquait celui d'un homme acculé par une bête sauvage et il commit l'erreur de porter la main vers la garde de son épée. Estek le stoppa d'un geste tranquille, posant sa paluche sur le gantelet de son interlocuteur.




- "Aurais-tu une lance à prêter à un homme dans le besoin, l'ami ?" Demanda-t-il d'une voix douce aux accents inflexibles.



L'homme hocha simplement la tête. Envolée, son assurance de guerrier armé surprenant un pêcheur perdu dans ses pensées. Enfuie, sa verve ferme distillant l'autorité. Ne restait plus maintenant qu'un bon gars docile qui remit une lance dans les mains d'Estek, sous le regard intrigué de ses compagnons d'armes. Ces derniers ne firent aucun commentaire, prenant le Sybian pour un volontaire venu les épauler pour cantonner les fauves dans un secteur réduit.





De proie, il était redevenu chasseur. Il était à nouveau dans son élément, le cœur battant fort mais l'esprit affûté. Il n'avait plus entendu la voix de Korlihna depuis un moment déjà. Avait-elle simplement fait une pause dans un coin tranquille ? A moins qu'elle n'ait servi de hors d'œuvre aux lynx. Non. Il refusait d'y penser ou d'y croire.

Il remontait sa propre piste et se surprit à critiquer son cheminement. Même dans la hâte, il avait laissé assez de traces pour qu'un pisteur incompétent puisse le retrouver. Quelle honte ! Il s'était trop relâché dernièrement et cette escapade lui donnait une bonne leçon.

Il croisa, au détour d'un buisson touffu, une paire de jeunes minogores occupés à dévorer une proie impossible à identifier. L'un des deux monstres, apercevant Estek, poussa un grognement guttural d'avertissement. Ils s'étaient repérés mutuellement et la réaction du Sybian déciderait de la suite des événements.

Soit.

Le Voëlyte passa son chemin, doucement, sans lâcher les créatures des yeux. Et ne reprit sa route que quand ils les vit reprendre leur sinistre repas.



La piste le mena finalement à une grande clairière qu'il avait traversé quelques heures plus tôt. A ce moment-là, il n'avait pas remarqué le petit cercle de pierres qui s'étalait de l'autre côté. Ni l'imposante souche qui peinait à se dévoiler parmi les hautes herbes.

Il s'arrêta un moment, scrutant les environs. Tout était calme. Trop calme. Cela empestait l'embuscade à plein nez -à défaut de sentir la Gobeline en chaleur- et il recula d'un pas. Les lynx ne se risqueraient pas à abandonner leurs petits, à moins de dénicher une proie imposante. Korlihna était trop maigrichonne pour justifier un tel déploiement de force donc, le Sybian s'attendait à faire face à un seul adversaire. Ce qui était déjà beaucoup, étant donné sa nature.




- "Vilain ! Ouchte !" Brailla soudain une voix familière, du côté du cercle de pierres.



Sans attendre, le Sybian fonça et surprit le lynx alors qu'il allait bondir sur Korlihna. Lâchant son arme, il y alla au culot et percuta l'animal d'un violent coup d'épaule. Ils roulèrent dans les herbes dans un concert de glapissements et de cris. Estek tenta d'encercler le cou du monstre avec son bras mais il était trop vif et planta sa mâchoire dans le bras du guerrier. Un juron plus tard, le lynx battit en retraite après avoir écopé d'un coup de pied bien senti dans les côtes.

La Gobeline hurlait à plein poumons. Pour sûr, elle avait du coffre mais impossible de lui intimer de se taire sous peine d'y laisser un bout de viande.

Le Voëlyte adressa une petite prière et tenta une tactique osée. Il offrit son bras blessé, le tendant vers la bête comme pour la laisser y planter à nouveau ses crocs, ne la quittant pas des yeux, le visage fermé. Le lynx gronda avant de tenter sa chance.

Il écopa alors d'un coup de poing fulgurant en pleine tête, l'assommant au passage et arrachant une grimace de douleur au Sybian. C'est que ça avait le crâne dur, ces saloperies !




- "Echtek, mon héros !"



Un cri qui fit sourire le Voëlyte un peu malgré lui avant de voir la seconde bête fondre sur la Gobeline et la jeter à terre, toutes griffes dehors. Une bouffée de rage lui insuffla un hurlement qui peina à se frayer un chemin dans sa gorge serrée et il passa à nouveau à l'assaut.

L'affrontement fut bref, brutal mais, surtout, trop décousu pour qu'Estek en garde un souvenir vraiment net. Tout ce qu'il en retint, ce fut beaucoup de douleur et la présence du corps fragile de la Gobeline dans ses bras.





Une douce odeur commençait à lui chatouiller les narines mais il peinait à ouvrir les yeux. Son corps tout entier lui faisait un mal de chien. Pourtant, il se sentait bien. Une présence agréable veillait sur lui, caressant doucement ses cheveux.

Des voix résonnaient mais il ne comprenait rien à ce qu'elles racontaient. L'une d'elle était une véritable mélodie, toute proche.

Estek ouvrit brutalement les yeux. Korlihna. Où était la Gobeline ? Et les lynx ?




- "Du calme, ne bouge pas." Fit la voix mélodieuse appartenant à une adorable jeune fille penchée sur lui. Le Sybian, gêné, comprit soudain que les genoux de la demoiselle lui servaient d'oreiller et il lutta pour ne pas rougir.



- "Enfin réveillé, le Sybian ?" Gronda une autre voix, issue des profondeurs d'un casque lugubre. "A croire que t'avais envie de te faire cajoler toute la journée..."



- "Allons, soit un peu plus gentil voyons. Il s'est montré très brave. Tu l'as dit toi-même." Répliqua la fille.



Mais le grand escogriffe en armure n'ajouta rien, comme gêné par la tournure de la conversation. Son heaume se tourna vers un point hors de vue d'Estek, comme s'il attendait une éventuelle intervention d'un autre individu.




- "Effectivement. Estek a été brave. Un peu trop impétueux quand même. Affronter des lynx à mains nues, c'est original mais on finit souvent en charpie." Commenta un troisième larron d'une voix tranquille, presque amusée.



- "Euh ?" Fit le Sybian, dans une tentative audacieuse d'apporter une intelligente contribution à la conversation. "Qui êtes-vous ?"



Un gloussement de la demoiselle jaillit tandis qu'un visage horriblement familier se profilait dans le champ de vision du Voëlyte. S'il s'était attendu à ça. Il devait halluciner totalement à cause de la douleur, ce ne pouvait pas être autrement. Sinon, comment expliquer qu'il avait la tête posée sur les genoux -charmants, confortables et terriblement doux- d'Asha, sous le regard hilare de Voë ? Sans même mentionner le ronchon Uk-Elraël.

Le dieu remarqua la soudaine compréhension de son adorateur et son sourire s'élargit.




- "Ah, Estek. Je ne pensais pas que cette far... affaire irait si loin. Ne t'en fais pas, la petite Korlihna ne viendra plus t'ennuyer. Ce n'était qu'une petite plais... expérience que nous avons mené tous les trois et j'espère que tu ne nous en tiendras pas rigueur."



Une blague, bien sûr. Estek ferma un instant les yeux. L'hallucination persistait drôlement. Qui pourrait croire une seule seconde que les dieux pouvaient se livrer à ce genre de tours absurdes pour se divertir ? Impossible !

Il soupira. Vu qu'il s'agissait d'un simple égarement de son esprit sous pression, autant jouer le jeu. Cela ne risquerait pas de lui faire grand mal après tout. Et il ne fâcherait pas les divinités non plus, vu que tout cela n'était que le fruit de son imagination.




- "C'était dangereux, votre expérience..." Grinça-t-il "Et Korlihna ?"



- "Elle va bien, ne t'en fais pas. Elle est de retour chez elle et se trouvera un compagnon au sein de son peuple. Elle ne se souviendra pas de toi, je le crains." Fit Voë.



- "Oh."



Estek était un peu déçu mais le soulagement l'emporta. Il se retint d'en rire. Rien n'était réel ici. Il se sentit soudain terriblement las et ses paupières se firent aussi lourdes que du plomb. Il lutta un peu contre le sommeil et la dernière chose qu'il vit fut le visage d'Asha se rapprochant du sien. Son hallucination poussa même le vice jusqu'à lui donner l'illusion que la déesse déposait un baiser sur son front et il sombra avec un léger sourire sur le visage.





Le chant du coq arracha le Sybian à sa torpeur. Il ouvrit les yeux dans sa chaumière et resta interdit un moment. Comment avait-il donc fait pour arriver ici ? Il eut beau se creuser la cervelle, il n'arrivait pas à s'en souvenir. Peut-être les soldats l'avaient-ils trouvés dans la forêt ?

Mais un coup d'œil à ses vêtements le troubla. Plus aucune trace de lutte. Pas de sang. Pas de douleur.

Il se prit la tête entre les mains et fut pris d'un fou rire. C'était donc ça ? Un long rêve bizarre le laissant sur une impression étrange. Quelle aventure onirique !

Le Voëlyte s'extirpa de son lit et son regard se posa sur un objet posé le long du mur. Il cligna des yeux. Impossible. Que faisait donc cette foutue lance ici ?! Il porta alors la main à son front et cru sentir à nouveau la sensation des lèvres d'une déesse sur sa peau. Il rougit furieusement, se planta devant son miroir et cru que sa mâchoire allait tomber par terre : il y avait bien une légère trace sur son front mais une autre, rouge écarlate, trônait en plein sur sa joue... avec un gribouillage de la même couleur.




- "Voë." Lu le Sybian, en scrutant son reflet.



De tout rouge, il passa à tout blanc. Et sans autre forme de procès, il retourna se coucher. Assez les aventures pour aujourd'hui !
Répondre en citant Envoyer une missive
Montrer les messages depuis:   
Magasin : La bâtisse du pacha ( Visiter l'échoppe tenue par Katzumoto )
Pub : Toi aussi accorde toi la vie de seigneur ...
   Accueil -> Forums -> Mythes et Légendes  

 
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum


Module Open Source original créé par Dr DLP, les autres modules exclusifs sont conçus par HuriKhan exclusivement pour Dark-Dungeon.net.
Monstres et Moogles : © SquareSoft-Enix, Objets © Gravity Corp, Visuels des Classes de Personnages réalisés par Lassah pour Dark-Dungeon.net.
Logos, bannières, boutons et visuels des lieux conçus et réalisés par HuriKhan.
Musiques originales composées par maF (Droits accordés) et d'autres issues du jeu Rune.
Les images, les musiques et les codes sources restent la propriété de leurs auteurs respectifs. Livre d'or créé par jvgamers.
Site optimisé pour Internet Explorer 6+ et Firefox 2+ sous une résolution minimale de 1024*768 pixels.

Partenaires Officiels :
Les Guerriers de la Nuit - Astuces Jeux - Jeux - Jeux en ligne gratuits - Jeu-Gratuit.net - CadomaX
The Warriors - sitacados - Gagner de l'argent - Répertoire Noogle - Forum by phpBB - Annoncé sur JeuxVideo.com - ClicOu GagnOu

Un problème, un bug, un besoin d'aide technique ou une demande de partenariat ? Ecrivez nous !

Jeu Gratuit sans obligation d'achat.
Toute reproduction totale ou partielle est strictement interdite.
© 2004 - 2019 AraSoft SARL